Le gouvernement indonésien a tranché : Airbnb ne sera pas interdit. C’est une décision lucide qui évite d’envoyer un signal économique désastreux aux investisseurs étrangers. Toutefois, soyons clairs : si interdire la plateforme aurait été une erreur, maintenir le statu quo serait un suicide pour l’industrie touristique locale.

Le problème à Bali n’est pas la technologie. Le problème est l’industrialisation clandestine de l’hébergement touristique.

La Fin du Mythe de la “Sharing Economy”

À Bali, la réalité d’Airbnb est radicalement différente de celle observée en Europe ou aux États-Unis. Il ne s’agit pas de particuliers louant une chambre libre pour arrondir leurs fins de mois.

Nous faisons face à un modèle dominé par des sociétés de gestion professionnelle. Ces agences administrent des portefeuilles de 20, 50, voire 100 villas, qu’elles exploitent comme des hôtels déconstruits. Elles offrent tous les services hôteliers — personnel, ménage quotidien, conciergerie — tout en opérant dans une zone grise juridique. Ce sont, de fait, des chaînes hôtelières qui refusent de le reconnaître.

Une Concurrence Déloyale pour les Hôtels Traditionnels

Le cœur du conflit n’est pas technologique, mais fiscal et réglementaire.

D’un côté, les hôtels traditionnels sont soumis à des normes strictes : sécurité incendie, traitement de l’eau, licences commerciales coûteuses et, surtout, une fiscalité transparente.

De l’autre, le marché des villas fonctionne souvent avec des licences inadaptées, comme le Pondok Wisata (initialement conçu pour de petits hébergements familiaux), voire sans aucune licence. Cette situation crée un déséquilibre majeur :

  • Évasion de la PB1 (taxe hôtelière) : Alors que les hôtels reversent 10 % de chaque nuitée aux gouvernements locaux, une grande partie du marché des villas échappe à cette taxe, privant Bali de ressources essentielles pour les infrastructures (gestion des déchets, routes, eau).

  • Taxe foncière (PBB) : Ces villas à vocation commerciale continuent souvent de payer un impôt foncier au taux résidentiel, bien inférieur au taux commercial qui devrait s’appliquer compte tenu de leur activité réelle.

Un Chantier de Mise en Conformité Colossal

Puisque le gouvernement a choisi de ne pas “tirer sur le messager” (Airbnb), il doit désormais traiter le message. Se contenter d’exiger un “numéro de licence” est insuffisant, car les catégories actuelles ne correspondent plus à la réalité du marché.

Il est impératif de créer un cadre juridique adapté pour ces “villas-hôtels”. Le travail à accomplir est immense :

  • Réforme des catégories : Mettre en place un statut légal clair pour la location de villas de luxe, qui ne soit ni un simple “homestay” ni un “hôtel étoilé”, avec des obligations strictes en matière de santé et de sécurité.

  • Égalité fiscale : Les plateformes doivent être tenues de collecter la taxe hôtelière (PB1) à la source, comme la TVA l’est dans de nombreux pays.

  • Responsabilisation des gestionnaires : Les sociétés de gestion ne peuvent plus se cacher derrière les propriétaires. En tant qu’opérateurs commerciaux, elles doivent être tenues responsables de la conformité des biens qu’elles exploitent.

Le gouvernement a eu raison de préserver la liberté économique en maintenant Airbnb. Il doit désormais avoir le courage d’imposer les mêmes règles à tous. On ne peut pas gérer une destination touristique de classe mondiale avec des réglementations pensées pour des quartiers résidentiels.